Chanel FW2024 : Un homme et une femme par Chanel

Le monde de Chanel est un monde d'idées fixes, avec très peu de variables et un certain nombre de constantes, ce qui lui confère une extrême stabilité et un niveau de reconnaissance phénoménal. Dans n'importe quel défilé Chanel, il y aura toujours du tweed, il y aura toujours des camélias, il y aura toujours des perles, des ceintures en chaîne et des chaussures beiges avec un bout noir. Toutes les maisons de couture parisiennes, voire toutes les marques de luxe, ne disposent pas d'archives aussi parfaitement cataloguées et systématisées, où tout est rangé dans ses propres boîtes et étagères. Chanel, sous la direction de Karl Lagerfeld, a travaillé pendant des décennies à la construction de ce temple parfait et lorsqu'il s'agit d'interagir avec ce que l'on appelle communément l'héritage et l'ADN, la marque est pratiquement inégalée. Virginie Viard, qui a succédé à Karl en tant que directrice créative, a également connu un grand succès dans ce domaine et a trouvé sa propre manière de travailler avec l'héritage de Chanel.

Une autre constante dans le monde de Chanel, c'est le voyage : tous les lieux marqués d'une manière ou d'une autre dans l'histoire de la Maison Chanel sont régulièrement devenus le thème de collections et de défilés. Riviera, Biarritz, Venise, Grande-Bretagne, toutes ont été traitées d'une manière ou d'une autre dans tous les départements, du métier d'art aux spectacles de croisière en passant par les parfums. Mais Chanel sait trouver de nouvelles façons de travailler avec sa géographie. Pour la saison FW2024, c'est à nouveau Deauville, dont on sait tous que c'est là que Gabrielle Chanel, qui a débuté comme modiste, a ouvert sa première boutique de chapeaux. Karl Lagerfeld a même réalisé un court métrage sur ce sujet, dans lequel Chanel était interprétée par Keira Knightley. Mais cette fois, Virginie Viard ne se souvenait pas de Mademoiselle elle-même, mais du film de Claude Lelouch, apparemment sans rapport, Un homme et une femme. On le sait, certaines de ses scènes les plus célèbres se déroulent à Deauville. Elle a également réalisé son propre film en invitant Inez et Vinoodh à réaliser un mini-remake des scènes originales de Deauville d'Un homme et une femme, avec Brad Pitt et Penelope Cruz.

Elle avait déjà fait quelque chose de similaire il n'y a pas si longtemps avec L'année dernière à Marienbad d'Alain Resnais, dont Gabrielle Chanel avait créé les costumes et qui a été restauré avec le soutien de Chanel, mais il n'y avait pas alors de court métrage, et cette fois le concept était plus complexe. Ainsi, Pitt et Cruz en noir et blanc déambulent le long d'une plage géante de Deauville à marée basse, flânent le long de la mythique promenade en bois avec les noms de stars hollywoodiennes sur les balustrades des cabines d'essayage, dînent au restaurant de l'hôtel Le Normandy, un Sac Chanel 2.55 posé sur la table entre eux – exactement comme il se trouvait entre Jean-Louis Trintignant et Anouk Aimée dans l'original Un homme et une femme. C'est la manière personnelle de Virginie Viard d'adopter l'héritage Chanel.

Quant à la collection, cette fois il y avait vraiment beaucoup de tweed, signe agréable de saisonnalité, qui à un moment donné a presque déserté les podiums, mais pas chez Chanel. Il y avait beaucoup de maille, comme les pulls et cardigans aux imprimés mouettes de Deauville, des ensembles en maille noire avec un pantalon large et un cardigan boutonné avec bordure beige, et une belle combinaison d'un pull pêcheur écru avec une jupe en maille shaggy. d'une couleur similaire et une ceinture en cuir marron pour accentuer la taille.

Mais les looks les plus frappants de cette collection impliquaient des chapeaux - en l'honneur de la modiste Chanel, et ces chapeaux, grands, à larges bords, rappelaient ceux du film de Lagerfeld sur la jeune Chanel et sa première boutique. Ils étaient portés non seulement avec des costumes en tweed et des robes en soie, mais aussi avec de longs manteaux ajustés en tweed dans des silhouettes rappelant les meilleurs exemples des années 1970, et cette combinaison - un manteau long et un chapeau d'été léger à larges bords - est devenue non seulement le point culminant de toute la collection, mais aussi un élément généralement frais. Eh bien, même dans le monde parfaitement organisé du tweed et des camélias, des choses imprévisibles se produisent.

Texte : Elena Stafyeva