La première collection Artisanal de Glenn Martens pour Maison Margiela a été un véritable tour de force créatif : un clin d'œil respectueux au fondateur de la maison et une bouffée d'air frais après un été chargé de défilés. Elle a marqué un beau début pour la marque sous la direction artistique de Martens. Voici tout ce que vous devez savoir sur sa première création.
Un clin d'œil au fondateur de la Maison
Le défilé s'est déroulé au Centquatre, au nord de Paris, un lieu particulièrement important pour les initiés de la mode, puisqu'il a accueilli la collection d'adieu de Martin Margiela en 2008. Commencer ce nouveau chapitre dans cet espace était profondément symbolique. Martens a également rendu hommage à la première collection printemps-été 1989 de la maison, où chaque mannequin défilait masqué. Ingénieusement, chaque look de cette première collection Artisanal arborait un masque finement confectionné – aérien en tulle, richement brodé ou sculpté à partir de carton compressé et de vestes de motard en cuir recyclées –, une référence poétique à l'héritage d'anonymat de la marque et un véritable chef-d'œuvre de narration.
Un voyage dans le temps
Les débuts de Martens ont emmené le public dans un voyage à travers l'histoire, s'inspirant de l'architecture et de l'atmosphère médiévales de la Flandre et des Pays-Bas - un clin d'œil aux racines belges communes de Margiela et de Martens, originaire de la ville de conte de fées de Bruges.
« La verticalité et les volumes des silhouettes reflètent les structures gothiques des tours. Les formes sculpturales évoquent les figures saintes des façades d'église. Corsets, drapés et illusions d'optique accentuent l'anatomie et sculptent le corps. Les intérieurs des maisons Renaissance d'Europe du Nord sont abstraits dans leurs motifs et leurs techniques », explique le compte rendu de l'exposition.
Les références artistiques étaient tissées avec précision : des papiers peints à la main et en relief à motifs floraux des Flandres du XVIe siècle ont été reproduits sur des calques de papier, des imprimés sur tissu et des gaufrages. Des collages de natures mortes inspirés de la peinture hollandaise du XVIIe siècle – fleurs, gibier et fruits – ont été imprimés sur plastique ou tissu, puis découpés en formes tridimensionnelles. Ailleurs, des vêtements peints à la main imitaient les coups de pinceau expressifs du peintre symboliste Gustave Moreau, transformant le corps en une toile vivante.
L'art de la beauté
Cette collection Artisanale était aussi une méditation sur la transformation – des vêtements, des traditions et de la beauté elle-même. Fidèle à l'esprit de la maison, Martens a choisi la plupart de ses matières à partir de tissus upcyclés, dont beaucoup ont été dénichés chez Guérissol, une célèbre chaîne de friperies parisiennes. En coulisses, il a évoqué ce processus avec une sorte de révérence : une sorte de magie discrète qui transforme l'ordinaire en extraordinaire.
Ce geste évoque directement l'esprit de Martin Margiela, dont la vision radicale a donné une seconde vie à des objets abandonnés grâce à une brillante conception. Et pour Martens, ce lien est non seulement philosophique, mais aussi profondément personnel. « Je suis moi-même l'un de ces enfants de la génération Margiela », a-t-il déclaré. Entreprise VogueMartin est plus qu'un designer : c'est une école qui a révolutionné la pensée de beaucoup de gens. Il cherchait une nouvelle façon d'appréhender la beauté, la construction et la mode en général. Cette philosophie a façonné de nombreux designers, certains consciemment, d'autres plus intuitivement. J'ai toujours suivi cette voie.
Il y a aussi quelque chose de typiquement belge dans l'approche de Martens : une quête discrète et contestataire de la beauté dans l'oubli. « La Belgique n'est pas vraiment le plus beau pays du monde ; c'est un pays pluvieux, industriel et plutôt gris », a-t-il déclaré dans la même interview. « Nous sommes donc presque obligés de trouver la beauté dans l'inattendu. Que ce soit Dries Van Noten combinant les couleurs les plus improbables et les faisant chanter, ou Martin transformant un sac plastique en objet de luxe, c'est une attitude belge. Et c'est quelque chose que je veux ramener chez moi. »
Le défilé s'est terminé sur une note typiquement Martens : festive, décalée et pleine de cœur. Les mannequins sont sortis des coulisses, acclamés par les membres de l'atelier, vêtus des manteaux blancs emblématiques de la Maison, formant une haie d'honneur à la fois intime et joyeuse. Les invités ont ensuite déambulé dans une mer de ballons multicolores – un final surréaliste et joyeux qui ne laissait aucun doute : c'est bien plus qu'un nouveau chapitre pour la maison. C'est le début d'une nouvelle ère, profondément réfléchie et farouchement imaginative.
Avec l'aimable autorisation de Maison Margiela
Texte : Lidia Ageeva