Discrètement dissimulé derrière la façade en verre poli de la boutique Hermès de Bruxelles se cache l'un des secrets les plus précieux de la ville : la Fondation La Verrière, un espace d'exposition lumineux baigné de lumière naturelle sous une imposante verrière. Tandis que les vendeurs défilent avec les boîtes orange emblématiques de la maison, les visiteurs découvrent un trésor d'un tout autre genre : l'art contemporain à la pointe de la modernité.
Pour sa deuxième exposition de l'année, le commissaire Joël Riff, fervent défenseur des rencontres sensorielles et réfléchies avec l'art, invite l'artiste franco-danoise Eva Nielsen, collaboratrice et amie proche depuis leurs années à l'École des Beaux-Arts de Paris, à occuper le devant de la scène. Mais Aster, comme l'exposition s'intitule, est loin d'être une exposition personnelle traditionnelle. Décrite comme un « solo augmenté », il s'agit d'une constellation plurielle, où l'œuvre de Nielsen dialogue avec d'autres créateurs. Le résultat ? Un échange poétique de formes et d'idées qui ouvre de nouvelles perspectives sur le monde – subtiles, riches et discrètement transformatrices.
Figure incontournable de la scène artistique contemporaine européenne, Eva Nielsen a largement exposé en France et à l'international, ses œuvres étant conservées dans de grandes collections publiques et privées, dont le MOCA de Los Angeles. Finaliste du Prix Marcel Duchamp 2025, elle ouvre un nouveau chapitre avec Aster, sa première exposition personnelle institutionnelle hors de France. Et quoi de mieux que La Verrière, un espace défini par sa transparence et son dialogue ouvert avec le ciel ?
Née en 1983 en banlieue parisienne, Nielsen explore depuis longtemps les paysages périphériques – franges industrielles, zones oubliées, limbes architecturaux. Ses nouvelles toiles, dévoilées ici, sont ponctuées de fissures visuelles saisissantes qui semblent déchirer l'image, déplaçant le regard vers des points de fuite insaisissables, inaccessibles. Le vertige ainsi provoqué est délibéré. Travaillant à la croisée de la peinture, de la photographie et de la sérigraphie, Nielsen sculpte la lumière avec précision, créant des images à la fois immersives et troublées.
Au cœur de l'exposition se trouve un triptyque ambitieux, dont l'échelle monumentale est dictée par les dimensions mêmes de l'atelier de l'artiste – un clin d'œil discret aux réalités physiques de la création. Comme le souligne le commissaire Joël Riff, ces nouvelles œuvres « embrassent un minimalisme vertigineux, dévoilant leur cœur ». Austères et énigmatiques, les toiles sont peuplées de formes suggestives qui appellent à la distance et à l'introspection, ouvrant la voie à un regard nouveau.
Pour approfondir le dialogue, Nielsen s'associe à trois gestes artistiques complémentaires, transformant l'exposition en un écosystème immersif. Un clin d'œil au passé, car l'art contemporain existe rarement en vase clos : une sculpture abstraite minimaliste de l'artiste allemande pionnière Charlotte Posenenske (1930-1985) offre un commentaire percutant sur la standardisation industrielle. Le présent est incarné par le designer belge avant-gardiste Arnaud Eubelen, né en 1991, qui propose des luminaires et des sièges fabriqués à partir de matériaux urbains récupérés – une méditation sur la réutilisation et la réinvention, invitant les visiteurs à s'asseoir, à s'attarder et à prendre leur temps avec l'œuvre. Parallèlement, un texte lyrique, commandé pour la publication de l'exposition et écrit par le studio de design paysagiste Établissement (fondé en 2015 par l'architecte Annabelle Blin, basé à Paris et Bruxelles), encourage les visiteurs à réimaginer les paysages qui les entourent. Ensemble, ils forment une constellation de perspectives – discrètement radicales, ancrées dans la matérialité et débordantes de possibilités.
Aster exposé chez Hermès Bruxelles jusqu'au 26 juillet.
Avec l'aimable autorisation : Fondation d'entreprise Hermès
Texte : Lidia Ageeva